« […] L’homme au casque, avec sa drôle d’intonation, répète : « Je viens de vivre une nuit tout à fait merveilleuse. » Le chevalier hoche la tête comme s’il disait oui, je te comprends, ami. Qui d’autre pourrait te comprendre ? Et puis, il y pense : ayant promis d’être discret, il ne pourra jamais dire à personne ce qu’il a vécu. Mais une indiscrétion après deux cents ans est-elle encore une indiscrétion ? Il lui semble que le Dieu des libertins lui a envoyé cet homme pour qu’il puisse lui parler ; pour qu’il puisse être indiscret en tenant en même temps sa promesse de discrétion ; pour qu’il puisse déposer un moment de sa vie quelque part dans l’avenir ; le projeter dans l’éternité ; le transformer en gloire. « Tu es vraiment du XXème siècle ? – Mais oui, mon vieux. Il se passe des choses extraordinaires dans ce siècle. La liberté des moeurs. Je viens de vivre, je le répète, une nuit formidable. – Moi aussi », dit encore une fois le chevalier […] »
La Lenteur
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